Un sujet peu traité au cinéma : celui de la violence entre un père et son enfant. On aurait pu tomber dans le mélodrame qui traine en longueurs, et pourtant Bernard Bellefroid réussit le pari de faire de ce film un film qui traite du sujet de la violence domestique avec pudeur, respect et compassion. On aurait pu avoir dans l'histoire une victime et un bourreau, et pourtant, ce sont bien deux victimes qui nous sont montrées dans ce film. Victimes de la société, d'un trop plein d'amour mal géré, mal exprimé, victimes d'humiliation et de rabais social...
Si le père est violent, il n'en est pas moins perdu. Perdu dans son rôle de père que son immaturité et son malêtre social ne lui permettent pas d'assumer.
"Je n'étais pas fait pour m'occuper d'un gamin, moi". Telle est l'une des dernières répliques de Thierry Hancisse alias Thierry, magnifique et poignant tout au long du film, qui si il incarne un père violent qui tabasse son fils, réussit à nous faire voir, au delà du monstre qu'est en apparence son personnage, les véritables émotions qui l'animent : celles d'un homme propulsé un jour sans s'en rendre vraiment compte responsable d'un adolescent, d'un père qui aime son fils au point de se sentir perdu quand il n'est pas là et de dormir dans sa chambre en portant ses vêtements, mais qui ne sait pas comment l'aimer vraiment. Qui aime profondément son enfant mais qui ne sait pas exprimer cet amour autrement que par la violence. Celle d'un homme complétement paumé, looser, petit manutentionnaire dans un supermarché où il se fait tyraniser par son supérieur parce qu'il n'a pas voulu se rendre complice d'un vol, et qui est trop faible pour oser se défendre et lui faire façe. Il accepte son licenciement abusif et les humiliations devant son fils sans broncher, quitte à déverser sa douleur, sa tristesse et sa colère ensuite sur lui-même, dans la violence et la décadence.
Son amour débordant pour son fils, c'est dans la violence la plus totale qu'il l'exprime, comme un enfant en colère qui fait un caprice pour qu'on l'écoute, qui tape des pieds et des poings sur le ventre de sa mère, et vient s'excuser ensuite. Une violence extrême et dangereuse pour Alexandre, qui manque même de le tuer.
Par moments, et jusque dans les dernières minutes du film, on se demande qui est le père et qui est le fils. Qui est l'adulte et qui est l'enfant. Alexandre subit les violences de son père mais n'hésite pas à venir le chercher et le secourir quand celui-ci s'est effondré au bord de la route, à moitié ivre. Thierry manque de tuer son fils en le noyant dans la baignoire, et se rendant compte soudain de son geste, tente comme un enfant de le ranimer, lui exprimant sa peur en gémissant. Vole un morceau de viande dans l'assiette d'Alexandre comme pour le provoquer. Et ne comprend pas, quand celui-ci décide de le quitter après une violence de trop, qu'il ne l'embrasse pas avant de partir.
Un premier rôle réussi pour Joffrey Verbruggen, qui campe un adolescent incompris par son père, en mal d'affection, qui redécouvrira ses valeurs humaines grâce à son sport et ses amis. Un Thierry Hancisse époustoufflant et très émouvant dans le rôle de ce père perdu et violent, dans un perpétuel malêtre. Un réalisateur qui signe un magnifique premier long métrage de fictions après avoir réalisé deux documentaires. La Régate : un film à voir et à revoir, sans modération.